Finnbiff - Mijoté sami traditionnel à la viande de bois

Aujourd’hui, 6 février, se célèbre dans toute la Scandinavie la fête nationale des Samis (samenationaldagen), ce peuple vivant au nord de l’Europe depuis des millénaires, qui possède son propre parlement, sa propre langue et dont on ne connaît malgré tout que très peu de choses. Le 6 février fait référence à la date où le tout premier congrès sami s’est tenu, en 1917, à Trondheim en Norvège.

Les Samis qu’on surnomme en français les "Lapons" (terme aujourd’hui considéré comme très péjoratif) sont en effet méconnus et sont souvent ramenés à une attraction touristique propre aux voyages en "Laponie" et ce même par les autres habitants de leur pays. Pourtant, ces derniers sont bien plus que ça puisque installés au Nord de l’Europe depuis plusieurs millénaires, ils forment le dernier peuple autochtone d’Europe. Les Samis sont répartis sur le territoire de quatre pays du Nord de l’Europe : la Norvège, la Finlande, la péninsule de Kola au nord de la Russie et la Suède. Ce peuple traverse les frontières et possède une identité culturelle bien distincte des populations de ces quatre pays.

On évalue la population samie de 80 000 à 100 000 personnes dont plus de la moitié est installée en Norvège dans la partie la plus au nord du pays. Il est cependant très compliqué d’estimer cette population car est considéré Sami celui ou celle qui se considère comme tel et possède des ancêtres Samis. Le dernier recensement date de 1945, il a fort à parier que les données sont aujourd’hui très loin de la réalité.

La culture samie est centrée autour de la langue, le sames, que partage ce peuple évoluant sur quatre pays. La langue connaît différentes variations locales avec le sames du nord qui est celui parlé par le plus grand nombre de personnes et au moins huit autres dialectes existent suivant les régions.

Le territoire des Samis est celui qu’on appelle couramment en français la Laponie. Ses habitants sont grandement reliés à leur territoire puisqu’il leur permet de poursuivre une activité qu’ils pratiquent depuis des siècles : l’élevage de rennes, ces cervidés que l’on nomme ici caribous. Les rennes sont des animaux sauvages qui effectuent des migrations suivant les saisons et les Samis les suivent au fil de ces dernières. La renniculture, toujours pratiquée aujourd’hui par 10% des Lapons, nécessite ainsi beaucoup d’espace, et ceci explique qu’environ la moitié du territoire situé en Suède peut être utilisée pour l’élevage de rennes. Ainsi, cette pratique centenaire réservée au peuple sami existe encore aujourd’hui.

Crédits photos : visitnorway.com / thesamiway.com / wheretheleavesfall.com // Références bibliographiques : lepetitjournal.com

Comme pour les Autochtones et les Inuits du Canada, le peuple Sami possède un statut international particulier. C’est une minorité en recherche constante de reconnaissance et d’autonomie qui se bat pour préserver sa culture, sa langue, ses traditions et son territoire.

Malgré le fait que les Norvégien n’ont pas toujours été tendres envers les Samis, un mouvement de réconciliation a été entamé au sortir de la 2e Guerre Mondiale. Après des siècles de conflits et de tentatives éradication, la fondation d’un parlement distinct a été accordé et on a cédé aux Samis la région du Finnmark à l’extrême nord du pays. Les Norvégiens ont ainsi décrété que le peuple Sami, dernier peuple autochtone d’Europe, se devait d’être protégé, chéri et célébré. Ils se font donc un point d’honneur de célébrer avec eux la fête nationale des Samis.

__ UNE OCCASION D’EXPLORER LA CUISINE SAMIE

La recette que je vous propose aujourd’hui pour souligner le 6 février s’appelle finnbiff en norvégien. Elle est elle-même une adaptation d’un plat mijoté sami qui se fait traditionnellement avec de la viande de renne. Facilement disponible dans les produits surgelés des supermarchés en Norvège, la viande de renne est proposée en petites tranches pré-coupées ou même en copeaux, parfaits pour cette recette. Si on cherche un équivalent ici au Québec, on peut très bien se tourner vers les coupes dites à fondue venant d’autres types de viande de cervidé (cerf, chevreuil, wapiti, orignal, caribou, etc).

Le finnbiff est un véritable plat réconfortant d’hiver à cause de son côté riche et nourrissant et ses arômes de champignons sauvages et de baies de genièvre. Il se prépare avec de la viande surgelée donc, un des meilleurs moyens de conservation dans le Grand Nord, on s’en doute bien. La viande est finement tranchée, cuite et ensuite mijotée dans une sauce très crémeuse aux champignons dans laquelle les Norvégiens aiment aussi y ajouter leur fameux brunost pour encore plus de goût et d’onctuosité. Le brunost, fromage brun fait de petit lait de vache et de chèvre caramélisé, se marie à merveille avec le goût délicieusement corsé et maigre de la viande de cervidé.

Essayez ce plat. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut dire que l’on mange de la cuisine autochtone. Nous gagnons tellement à en connaître davantage sur ces communautés trop souvent repoussées et laissées-pour-compte. Si les Norvégiens l’on fait, il serait bien vu d’en faire autant ici, non? En attendant saluons les Samis et régalons-nous à leur santé!

Lihkku Sámi Álbmotbeivviin !

FINNBIFF - MIJOTÉ SAMI TRADITIONNEL À LA VIANDE DE BOIS

__ INGRÉDIENTS

400g de viande de bois surgelée (cerf, wapiti, chevreuil, orignal, etc) (voir la note)

200g de champignons sauvages déshydratés mélangés

1 noisette de beurre

100g de bacon en lardons

quelques branches de thym frais

10 baies de genièvre, légèrement concassées

300ml (1 ¼ tasse) d’eau de trempage des champignons

200ml (¾ tasse) de lait entier (3 à 4%)

300ml (1 ¼ tasse) de crème sure

quelques tranches de brunost (fromage brun norvégien)

1 c. à thé de fécule de maïs (facultatif)

__ PRÉPARATION

Faire reposer la viande hors du congélateur quelques minutes pour faciliter sa coupe ou pour séparer plus facilement les tranches selon la coupe choisie. Pendant ce temps, faire tremper les champignons dans de l’eau tiède au moins 30 minutes. Bien essorer les champignons pour retirer un maximum d’eau de trempage. Réserver les champignons et conserver environ 2 tasses de l’eau de trempage pour plus tard.

Dans une braisière ou une sauteuse, faire fondre le beurre et rissoler les lardons de bacon à feu moyen jusqu’à ce qu’ils prennent une belle coloration. Transférer dans un bol en conservant un peu du gras de cuisson. Faire revenir les champignons jusqu’à ce qu’un maximum d’eau soit évaporé et que les champignons prennent aussi une belle coloration. Transférer dans le bol avec les lardons. Faire ensuite revenir rapidement la viande seule dans la sauteuse à feu moyen-élevé. Remettre les lardons et les champignons et ajouter une partie de l’eau de trempage réservée, le lait, le thym frais et les baies de genièvre. Laisser mijoter doucement 15 minutes.

Ajouter la crème sure et les tranches fines de brunost. Bien mélanger pour faire fondre le fromage et pour obtenir une sauce homogène. Si elle est trop épaisse, allonger avec le reste de l’eau des champignons ou si elle est trop liquide, laisser réduire doucement ou épaissir avec de la fécule délayée dans un peu d’eau.

Servir avec des pommes de terre bouillies ou en purée et/ou avec quelques tranches de pain nordique (voir la note).

4 portions

Photos : Jonathan Michaud

__ NOTES

Pour le choix de la viande, j’ai opté pour une coupe de viande à fondue facilement disponible dans les produits surgelé en épicerie. Vous y trouverez plusieurs variétés de viandes de gibier offertes par des compagnies locales. Si vous n’en trouvez pas, opter pour une pièce entière et choisissez une partie maigre comme le filet qui se tranche facilement une fois congelée.

Le Wapiti est caractérisé par une viande rouge très dense et très maigre, comparable à celle du cerf ou du chevreuil. Peu présent à l’état sauvage chez-nous par contre, le wapiti que vous retrouvez dans les boucheries est issu de fermes d’élevage. Sa viande réduisant très peu lors de la cuisson, elle fond tout simplement dans la bouche et offre un goût de viande légèrement «boisé» sans être trop corsé. Ce produit est offert entre autres par la compagnie québécoise La Maison du Gibier.

Le fromage brun norvégien (brunost) est un ajout à ne pas omettre à mon avis. Il est heureusement disponible au Québec dans certaines fromageries sous la marque Ski Queen de Tine. Si vous ne le trouvez pas, faites-en la demande à votre fromager car c’est un produit distribué par le même fournisseur du fromage norvégien Jarlsberg, très connu ici.

En accompagnement, les Norvégiens aiment beaucoup servir ce finnbiff avec des pommes de terre bouillies et des airelles fraîches, ces petits fruits rouges dont on en fait une confiture acidulée. Mais il s’agit d’un fruit difficile à trouver ici. Pour faire plus local, on pourrait choisir de servir ce plat avec des baies d’argousier.

Je vous propose de servir le finnbiff tout simplement avec du polarbrød, le fameux pain nordique. Ce n’est pas l’accompagnement le plus commun pour ce plat en Norvège, mais c’en est un tout aussi délicieux. Vous trouverez la recette dans ma publication précédente.

__ BONS PRODUITS

Les viandes d’exception de La Maison du Gibier sont de plus en plus disponibles chez les grandes bannières d’alimentation du Québec. Retrouvez une grande variété de viandes de gibier d’exception dans les produits surgelés, frais et même cuisinés. Pour plus d’informations, consultez le site web de l’entreprise qui se refait peu à peu une beauté. Notez que je ne suis pas rémunéré pour parler d’eux. D’autres entreprises offrent également de délicieuses viandes de gibier à commencer par vos boucheries de quartier.