Compote de rhubarbe
Mise à jour d’une publication de juin 2020
S’il y a une chose qui me fait penser à ma grand-maman Michaud en cuisine, c’est bien la compote de rhubarbe. Ça m’a frappé d’un coup la première fois que j’en ai fait. Enfant, je détestais la rhubarbe, le nom à lui seul me répugnait, je ne comprenais pas pourquoi on s’infligeait de manger ça. Je mettais ça dans la même catégorie que la marmelade… de la rhubarbe… Arrk! De la confiture d’adultes! C’était amer même si grand-maman inondait la casserole de sucre. Par contre, l’odeur est restée imprégnée dans ma mémoire. Sans le savoir.
__ MÉMOIRE OLFACTIVE
Quand j’ai décidé de faire de la compote de rhubarbe pour la première fois, j’ai eu comme un choc. Je coupais les branches en petits morceaux pour les faire dégorger avec du sucre et ça m’a frappé. D’un coup.
- Oh, mon Dieu! Ça sent comme chez grand-maman!
Je me suis arrêté d’un coup sec, j’ai fermé les yeux et j’ai plongé le nez dans le bol… C’est comme si elle était là et qu’il n’y avait pas eu bientôt 28 ans d’écoulés depuis qu’elle est partie. J’étais très proche d’elle. J’avais 17 ans quand elle nous a quitté. Je ne pouvais pas concevoir qu’elle ne soit plus là et sa perte a été une douleur longue à guérir. Pourtant, la vie suit son cours et les événements s’enchaînent. La moindre petite chose nous fait penser à la personne qui n’est plus là. On croit aux signes, on leurs donne un sens. Puis, peu à peu, la vie continue et on y pense de moins en moins… On n’aime pas moins, mais le souvenir devient plus flou. On réussit à vivre sans ce qu’on a perdu. Ce jour où, d’un coup de tête, j’ai décidé d’acheter de la rhubarbe pour en faire de la compote, est-ce que c’était un signe de sa part? D’où me venait donc cette idée incongrue de vouloir faire de la compote? Je n’avais jamais fait ça, pas que c’est compliqué, mais parce que je n’avais jamais eu envie d’en faire. Plus jeune, j’aurais sûrement dit que s’en était un, un signe. Aujourd’hui je crois moins à ce genre de chose, mais au moment où j’ai donné mon premier coup de couteau dans les branches de rhubarbe et que cette odeur très singulière est montée à mes narines, le tiroir dans ma tête s’est ouvert instantanément… et les valves aussi!
La saison de la rhubarbe est donc devenue un rendez-vous avec elle. Grand-maman. J’attends son arrivée avec impatience, ça me rend presque nerveux. Je rentre déçu quand il n’y en a pas encore dans les étals. Une fois achetée, je la laisse traîner sur le comptoir comme pour attendre le moment où je suis le plus disponible ou le plus disposé. Ce n’est pas une chose que je voudrais faire pour me débarrasser comme il arrive souvent en cuisine. Je veux prendre le temps et l’apprécier. Comme si c’était plus important de la faire que de la manger. Tous ces gestes qu’elle faisait et que je regardais de travers, la face crispée de dégoût, c’est maintenant moi qui les exécute le cœur léger et le visage détendu. Je prépare ma petite compote (beaucoup moins sucrée que la sienne) et il n’y a rien d’autre qui existe. Comme quand je la regardais cuisiner. Je suis absorbé. C’est mon petit moment de l’année avec elle. Fernande.
A-t-on vraiment besoin d’une recette pour faire une bonne compote de rhubarbe? Je ne pense pas. De la rhubarbe, du sucre. On joue avec le degré de sucre suivant la grosseur de la rhubarbe et son acidité. Plus les branches sont grosses, plus elles sont amères. Chaque «batch» est donc différente. Ce que je ne fais pas comme ma grand-maman, c’est de mettre une chaudière de sucre… on y va plus doucement. Simplement pour vous donner une idée voici le ratio que je privilégie. Oh, et je ne l’épluche pas non plus!
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